Marthe GAUTIER

Quarante-six, plus un. Les enfants atteints de trisomie 21 ont un chromosome de plus que les 46 normalement présents chez les autres personnes. Cette découverte cruciale dans la compréhension de ce syndrome a été faite par la scientifique française Marthe Gautier : elle nous a quitté le 30 avril 2022, à l’âge de 96 ans. Une chercheuse dont le rôle – a l’instar de nombreuses autres – a été « invisibilisé » au profit d’un de ses collègues masculins, Jérôme Lejeune, dans un processus insidieux :

Dans un témoignage qu’elle fera dans la presse en 2009, elle revient sur les circonstances spartiates qui l’ont vu monter le premier laboratoire pour étudier les chromosomes de ceux qu’on appelait alors « les mongoliens », rappelle Marthe Gautier. Si un local lui est alloué, elle doit elle-même contracter un emprunt bancaire pour libérer les « 100.000 anciens francs » nécessaires à acheter le matériel nécessaire. Elle parvient malgré tout à visualiser le fameux chromosome surnuméraire.

Son succès crée l’intérêt de ses collègues. L’un d’eux, Jérôme Lejeune, est « un  élève du patron » Raymond Turpin, raconte Marthe Gautier, qui développe : il « me propose de faire photographier les préparations de cellules dans un laboratoire mieux équipé, ce que j’accepte bien volontiers. Nous sommes en mai 1958. Je m’attends à un retour rapide, à la rédaction d’une publication. Mais rien ne se passe. Je ne vois pas les photos : elles sont, me dit-on, chez le patron, qui est peu communicatif. J’ai la sensation étrange et amère de devenir gênante ». Les résultats sont publiés en en janvier 1959 dans les Comptes rendus de l’Académie des sciences. Marthe Gautier n’est informée de la sortie du papier que la veille de la publication : elle y découvre son nom en deuxième position, derrière celui de Lejeune…